L’éducation artistique et culturelle :
Dès les classes de 4ème-3ème, puis dans les cycles lycéens, les documents d’accompagnement des référentiels de diplômes orientent l’action de l’ESC vers l’éducation artistique et culturelle vers la diversité des domaines et des modalités d’enseignement :
Le parcours d’éducation artistique et culturel est un parcours éducatif comme le parcours santé, avenir ou citoyen, il est prescrit dans les textes qui organisent les différents systèmes éducatifs. Il vise une l’articulation et une mise en cohérence entre les enseignements réalisés dans la classe et les actions menées dans les temps extrascolaires. Leur mise en œuvre implique de développer des projets partagés et territoriaux avec des partenaires extérieurs. Grâce à des approches complémentaires et à la diversité des modes d’apprentissages, les élèves construisent des compétences et acquièrent des connaissances en fonction des expériences, des rencontres et des projets auxquels ils participent.
Par les situations d’enseignement mises en place, l’éducation socioculturelle ancre progressivement les éléments fondamentaux d’une culture artistique dans des expériences collectives et individuelles de créations et de rencontres avec l’art et donne plus largement accès à la compréhension de différents univers artistiques. C’est la construction d’une culture artistique éclectique reliée à l’histoire des hommes, des idées et des sociétés qui est recherchée.
Prenant appui sur les référentiels, l’éducation socioculturelle adopte une progression pédagogique construite de manière transversale et co-disciplinaire, ce qui est facilité dans de nombreux diplômes. L’éducation artistique et culturelle, de même que l’enseignement de l’histoire des arts dans les classes de collège, recouvre trois grands champs :
– des objectifs de connaissance destinés à donner à l’élève les repères qui construiront son autonomie d’amateur éclairé,
Pour y parvenir, il est nécessaire d’accompagner les élèves dans trois dimensions exploratoires :– connaître des formes artistiques anciennes et actuelles (en développant des connaissances et des modes d’analyse),– fréquenter les formes artistiques selon des modalités variées (en voyant des spectacles, des expositions, des lieux de culture, en accueillant des artistes en résidences ou comme intervenants)– pratiquer (par des ateliers dans le cadre des enseignement et de l’animation).
L’utilisation d’un portfolio (papier ou numérique -type FOLIOS-) est fortement recommandée afin de formaliser l’ensemble des expériences vécues.
Réflexions à travers des références à quelques auteurs actuels, et commentaires concernant l’analyse des oeuvres.
L’éducation artistique Le fait artistique Arts et Sciences Arts et Agriculture 1. Conduire l’élève à avoir un (son propre) regard critique sur une œuvre Contexte : un des objectif que nous nous fixons (en tant qu’enseignants et animateurs en ESC) lorsque nous engageons un travail de connaissance des arts ou de pratique artistique, c’est celui de conduire l’élève à avoir un (son) regard critique sur une œuvre. Nous allons axer notre réflexion sur la différenciation classique kantienne du jugement esthétique et du jugement de goût. Cette distinction nous paraît pertinente pour comprendre, entre autre, le clivage qui existe entre la production culturelle de masse et une autre production artistique, souvent moins séduisante au premier abord pour le néophyte. Notions : 2. Conduire l’élève à « avoir un regard critique » : problèmes Bien souvent les élèves ne fréquentent pas le monde de l’art. Il savent citer des noms d’artistes, des œuvres mais ils ne s’y intéressent pas a priori. Certains arguent même qu’ils n’aiment pas l’art car « cela ne sert à rien » et que « cela coûte cher ». Beaucoup sont moins catégoriques, mais peu connaisseurs. Si la musique, le cinéma, la photographie sont pour eux plus familiers, ils ne l’appréhendent jamais consciemment comme des œuvres artistiques mais comme des œuvres techniquement bien faites (films à effets spéciaux). Ce sont avant tout pour eux des divertissements qui relèvent de « l’agréable ». La première étape consiste donc pour l’enseignant à susciter la curiosité, l’intérêt pour quelque chose d’inconnu, or ce qui n’est pas connu rebute a priori ! Avoir un regard c’est aussi avoir quelque chose à proférer, et dépasser les lieux communs que n’importe quelle autre personne de son époque, de son milieu, de ses goûts pourrait avoir à dire. C’est donc exprimer ce qu’on ressent personnellement. 3. La construction du regard critique : à quelles conditions ? Comment élaborer un jugement esthétique qui dépasserait le « ça me plait » ou « j’aime pas » ? Connaître, tous, plusieurs ou certains de ces éléments suivant les œuvres en question, permet d’accéder à « un jugement d’appréciation » ou jugement esthétique et également à un certain plaisir (jugement de goût). Ce savoir ne rend pas froid et distant, comme l’explique Hume dans ce passage : « Pour juger avec justesse une composition de génie, il y a tant de points de vue à prendre en considération, tant de circonstances à comparer, et une telle connaissance de la nature humaine est requise, qu’aucun homme, s’il n’est en possession du jugement le plus sain, ne fera jamais une critique acceptable pour de telles œuvres. Et c’est une nouvelle raison pour cultiver notre goût dans les arts libéraux. Notre jugement se fortifiera par cet exercice ; nous acquérons de plus justes notions de la vie ; bien des choses qui procurent du plaisir ou de l’affection à d’autres personnes nous paraîtront trop frivoles pour engager notre attention ; et nous perdrons par degrés cette sensibilité, cette délicatesse de la passion, qui nous est si incommode. Mais peut-être suis-je allé trop loin en disant qu’un goût cultivé pour les arts raffinés éteint les passions, et nous rend indifférents à ces objets qui sont poursuivis si amoureusement par le reste de l’humanité. Après une réflexion plus approfondie, je trouve que cela augmente plutôt notre sensibilité à toutes les passions tendres et agréables ; en même temps que cela rend l’esprit incapable des plus grossières émotions » Les Essais esthétiques (1742), Partie II, in « Art et psychologie » trad, Renée Bouveresse, Vrin 1974. L’émotion relève de nos goûts propres de notre vécu, tandis que la sensibilité s’éduque et s’affine avec la connaissance de l’art et de ses règles, de ses créations et vise l’universalité du propos. La sensibilité permet d’accéder avec discernement aux aspects essentiels de la vie qui habitent chaque artiste. « L’art procède à la manière d’un langage avec sa grammaire, sa syntaxe, ses conventions, ses styles, ses classiques » (Michel Onfray) Les classiques de l’art, Adorno en parle ainsi (suite de la citation ci-dessus) : « […] Celui qui veut déceler la beauté de la « Chauve-souris » doit savoir ce qu’est la Chauve-souris : il faut que sa mère lui ait expliqué qu’il ne s’agit pas seulement de l’animal ailé, mais d’un costume de bal masqué ; il faut qu’il se rappelle qu’on lui a dit demain nous t’amenons voir « la Chauve-souris ». Etre inséré dans la tradition signifierait : vivre l’œuvre d’art comme quelque chose de confirmé, dont la valeur est reconnue, participer, dans le rapport que l’on a avec elle, aux réactions de tous ceux qui l’ont vue auparavant. Si toutes ces conditions viennent à manquer, l’œuvre apparaît dans toute sa nudité et sa faillibilité. L’action cesse d’être un rituel pour devenir une idiotie, la musique, au lieu d’être le canon de phrases riches de sens, paraît fade et insipide ». Les techniques de la reproduction, de la communication ayant évolué depuis l’écrit d’Adorno, l’éducation s’étant démocratisée, la familiarité avec les « chefs d’œuvres » est plus grande. Une culture collective s’est édifiée. Certaines œuvres, celles qui sont issues « d’un art considéré comme socialement important» sont plus accessibles que d’autres. Walter Benjamin propose une explication à ce phénomène qui peut saper le travail du « regard critique » car il confond plaisir et « regard critique ». Ceci est un autre obstacle auquel l’enseignant aura à faire avec ses propres jugements en premier lieu et ensuite avec ceux de l’élève. « La reproductibilité technique de l’œuvre d’art transforme le rapport des masses à l’art. Très retardataires devant un Picasso par exemple, elles deviennent plus progressistes par exemple devant un film de Chaplin. Cela fournit d’ailleurs une caractéristique du comportement progressiste : le plaisir de voir et d’apprendre par l’expérience s’y conjugue étroitement et immédiatement à l’attitude du spécialiste qui porte un jugement. Cette conjonction est un important indice social. Plus l’importance sociale d’un art se réduit, plus en effet la critique et la jouissance sont au sein du public des attitudes distinctes –comme on le voit très clairement vis-à-vis de la peinture. On jouira de ce qui est conventionnel sans aucun esprit critique, on critiquera ce qui est effectivement nouveau avec dégoût.» Walter Benjamin L’œuvre d’art à l’aire de sa reproductibilité technique (1936), trad. C. Jouanlame, Art et Esthétique, 1997. Certes, dans ce passage, les exemples de Picasso et Chaplin ne sont plus valables aujourd’hui. C’est plutôt « l’art contemporain » qui a actuellement a ce rôle de repoussoir assigné à Picasso dans le texte. Un artiste contemporain comme Beuys remplacerait le nom de Picasso. De même des films comiques comme ceux des « Inconnus » sont plus en vogue que l’éternel Chaplin.
L’enseignant peut par exemple choisir des œuvres de ces arts « acceptés socialement » ou même appréciées par une classe d’âge pour dépasser cette proximité dérangeante et élaborer ensemble un regard critique.