La polémique en classe

La Polémique en débat,

en communication interpersonnelle

(document de travail – GAP ESC)

Contexte et source : « La polémique dans les forums de discussion » est monnaie courante et les apprenants y sont confrontés très régulièrement, y compris sur des sujets qui les touchent personnellement dans leurs valeurs, leurs pratiques, voire leur image. Comment les armer afin qu’ils trouvent en eux-même le répondant et l’assurance nécessaires ? C’est ce que Philippe Sahuc (sociologue, ENSFEA) a proposé comme sujet de réflexion au GAP ESC.

Un appui théorique nous est fourni par Ruth Amossy, « La coexistence dans le dissensus », Semen [En ligne], 31 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2011 (version pdf).

Notes prises autour des séance organisées le 27/04/17 en M1 MEEF puis le 05/05/17 en M2/concours-externe, éventuellement mixées aux avis pris de Philippe Sahuc lors de la préparation (reformulés).

1/ Situation observée le 27/04/17 en M1 MEEF

Cadre :UE D81 Méthodes d’enseignement de la discipline, lors d’une séance de 4h déroulant trois propositions thématiques à aborder avec trois techniques de mise en débat (le débat butiné, puis la polémique, enfin le théâtre forum)

  • Le thème de la polémique proposé : « l’animateur : sous-prof ? », et la forme adoptée est celle du repas de famille. Les participants, une douzaine d’étudiants de M1, sont assis à table en deux lignes face-à-face, comme pour un repas de famille le dimanche chez mémé.

Il est indiqué que la parole est libre et que l’argumentation peut se faire y compris par la décrédibilisation, la disqualification des arguments de l’autre.

Deux groupes égaux en nombre sont constitués, attaquants et défenseurs.

Durée, temps d’analyse-commentaire inclus : 1h.

Déroulement de l’exercice : la polémique.

Les attaquants forcent davantage leurs arguments, et plus vite, que les défenseurs, dont les réponses sont calqués sur les contre-arguments que leur assènent les attaquants.

Les notions abordées : expertise, plaisir, connaissances, faire avec ses mains, population éclairée, faire se questionner les élèves, savoirs, animation, loisir(s), théorie vs application, conservatisme, norme, souffrance de l’élève, mutualisation, programmes (au sens référentiels), implication les mercredis où « on n’est payé qu’à moitié ».

Tableau d’analyse.

Questionnements / observations lors du debriefing, après l’exercice de polémique

Qu’est-ce qui se construit ?

– Ça permet d’apporter des justifications à des choses a priori évidentes, face à des arguments absurdes et caricaturaux.

– Capacité à entendre l’autre.

Qu’est-ce qui s’échange ?

– Ça permet des traits d’humour.

– Ça permet de sortir des arguments qu’on n’oserait pas dire habituellement, par exemple plus corporatistes ; ou, sur le fond, sciences dures vs sciences moles.

– Transmission didactique et légitimité de l’enseignant ont été rapportées à la pratique, au rapport au travail, aux représentations et aux a priori.

– Engagement.

– Hypothèse que ça permet de réarmer des élèves en souffrance, à verbaliser de l’implicite et du non-dit.

Qu’est-ce qu’on retient de la situation ?

– On tend à élever la voix, à être plus impulsif, mais on s’écoute parler quand-même.

– Tout le monde prend la parole, même les plus réservés de la promo : le rôle joué dans l’exacerbation délie les langues.

– Ça permet de confronter avec ce que sont (peut-être) les véritables positionnements de chacun sur un vrai sujet.

– Quelles règles donner ?

– Situation de lâcher-prise.

– Suppose confiance, bienveillance et vigilance dans le rapport aux élèves.

Remarque. Ce qui a été échangé a pu sembler pleinement lié à la situation créée, notamment quant à l’observation selon laquelle tout le monde prend la parole, même les plus réservés : cela a été relié immédiatement au fait que le rôle est joué dans l’exacerbation, ce qui contribue à délier les langues et permet de sortir des arguments qu’on n’oserait pas dire habituellement (dans notre cas, plus corporatistes, ou, sur le fond, sciences dures vs sciences moles).

Autres éléments d’analyse de l’expérience :

Quelles règles donner ? Courtoisie ? Lâcher-prise ? Jusqu’où faut-il organiser ?

C’est un exercice qui peut se révéler pour chacun préventif, libératoire, engagé.

Quelle capacité à entendre la parole ça développe ?

Hypothèse que ça permet de réarmer des élèves en souffrance, à verbaliser de l’implicite et du non-dit.

La mise-en-place de l’exercice suppose un rapport de confiance entre prof et élèves, ou que cela soit proposé par un intervenant extérieur [comme Ph. Sahuc dans des EPL où il a pratiqué la polémique].

Ça suppose aussi un climat bienveillance et de vigilance où l’on repère les stigmatisations etc.

il faut être attentif à bien équilibrer la « puissance » des groupes [pour éviter que ne se reforment des groupes oppressants, Philippe Sahuc propose de tirer au sort la composition des groupes].

Un des étudiants s’interroge sur le bien fondé d’utiliser la controverse et les positionnements qui en découlent dans le débat : pour en faire autre chose, oui, ne serait-ce que dans la libération d’énergie, la libération de la parole.

Un autre : la simulation de polémique, ce n’est peut-être pas le bon mode, un vrai thème d’actualité dans le vécu des élèves (racisme, ostracisme, violence…) est sans doute plus judicieux, mais aussi plus risqué.

N. B. Dans les situations qui ont été mises en place par Philippe Sahuc, les positionnements pour ou contre des acteurs sont attribués au hasard, et des participants peuvent se retrouver dans le camp supposé opposé au leur réél.

2/ Situation observée le 05/05/17 en M2/concours-externe

Cadre :UE D100 Construire et analyser des situations d’enseignement, lors d’une séance de 2h30 axée sur les jeux de rôles.

L’un des groupes accepte d’utiliser la polémique pour jouer la situation choisie : un conseiller-formateur de Pôle-emploi anime un atelier CV dans lequel un des participants est agressif et dévalorise le travail d’un autre stagiaire ; le référent de l’usager agressif doit normalement intervenir pour calmer la relation en fin de jeu, sur un ton de menace (ils seront nommés plus loin selon leur rôle). Quatre participants.

La situation est donc plus scénarisée qu’en M1, au choix des participants.

Durée prévue : 15 à 20 min ; durée réelle : quelques minutes seulement.

Déroulement de l’exercice : la polémique.

Le groupe n’a pas pu gérer la situation et aboutir à une prestation complète. Entre les deux usager, l’agression verbale prévue a déstabilisé la relation et bloqué l’une des stagiaires. Le conseiller-formateur n’est pas arrivé à gérer la situation et n’y a pas trouvé sa place, et il a mis rapidement fin à la scène sans faire appel au référent.

Éléments d’analyse de l’expérience :

Faire réfléchir sur la proximité, l’approche de l’autre, l’évitement, la remédiation.

Faire émettre les critères de repérage utiles à l’évaluation d’une telle situation en classe.

Le conseiller-formateur n’a pas trouvé sa place dans le jeu. Selon lui, son souci a été de trouver les mots pour ramener à la situation professionnelle qui sous-tendait la scène, et de ne pas penser à faire reformuler pour passer de l’invective à l’explicitation de ce qui set insatisfaisant dans la situation scénarisée.

Le décalage entre les niveaux de « polémicité » des participants l’a déstabilisé.

Un stagiaire a fait selon lui une erreur d’interprétation de son rôle, et en n’entrant pas dans l’insulte, n’a pas été jusqu’au bout.

De ce fait, l’attaqué, qui devait rester passif et se fermer dans la relation, a dû entrer dans un jeu d’affrontement pour compenser.

Le conseiller-formateur de Pôle-emploi n’y a pas retrouvé la trame prévue.

Suggestions, critiques :

– situation à transformer en théâtre forum,

– faire une relecture à partir des critères de Meyers sur le sociopolitique,

– l’usage de la situation de polémique, demandant une agressivité de ton et un lâcher-prise dans la logique argumentative, s’accorde mal d’une trame de scénario trop écrite.

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