Appréhender les industries culturelles en tant que vecteurs de culture de masse.
« On ne parle guère, en France, d’industrie culturelle avant les années 1970. On utilise plutôt les termes de médias de masse ou de mass media, de communication de masse, de culture de masse. La masse, les masses, dans l’esprit des élites intellectuelles et sociales, c’est le peuple constitué en public indifférencié par des moyens de communication à la puissance décuplée par l’électronique, un peuple le plus souvent considéré comme passif, aliéné, subissant la puissance irrésistible de ces moyens de communication.
« Si le terme d’industrie culturelle est utilisé, c’est là aussi, le plus souvent, pour dénoncer un système à la fois technologique, économique et politique aboutissant à la « standardisation et à la production en série [de produits culturels], sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social », un système de « non-culture » qui réduit l’art au divertissement et fait de l’œuvre une simple marchandise, entraînant une « dépravation de la culture » et faisant « progresser l’incohérence barbare dans les esprits », pour reprendre des formules employées par Theodor Adorno et Max Horkheimer dans Kulturindustrie publié pour la première fois en 1947 mais qui ne sera traduit et commenté qu’assez tardivement en France [1974, 2012] ».
Laurent Martin (2016). « Les industries culturelles, des outils au service de la démocratisation de la culture ? Retour sur les craintes et les espoirs des années 1970-1980 « . Politiques de la culture. Ministère de la Culture et de la Communication.
« Bien plus que celle de « culture de masse » ou de « culture médiatique », la notion d’industrie culturelle, une fois détachée de ses connotations idéologiques, rend compte des principales transformations qui affectent à compter du milieu du XIXe siècle les productions culturelles. « De la littérature industrielle », titre Sainte-Beuve en 1839 pour s’indigner des progrès aberrants selon lui du roman-feuilleton. Aux sources du phénomène réside en effet la transformation des produits culturels en marchandises, marchandises spécifiques dans la mesure où leur valeur incertaine impose un fort renouvellement [17], mais marchandises néanmoins, fabriquées et diffusées selon les normes du travail industriel, et pour partie insérées dans les logiques du capitalisme financier.
« C’est par une dépendance accrue à l’égard de l’innovation technologique que se signalent, dès le début du XIXe siècle, les secteurs les plus attirés, comme l’imprimé, par la grande diffusion. »
Dominique Kalifa (2001) La culture de masse en France, vol. 1. Paris, La Découverte.
La culture de masse, cela peut désigner la massification de la culture, au sens où une société peut produire et diffuser massivement des éléments d’une identique, à destination de ses citoyens. C’est donc alors un mouvement social (et/ou un choix politique) vers l’acquisition de connaissances artistiques, culturelles, par le biais d’un système d’éducation et/ou par celui de grands médias. Il en résulte un mode de vie sociale et de pensée, un style de comportement ainsi que des codes de reconnaissance sociale. Et dans une visée consumériste, cela se traduit par des actes de consommation plus ou moins consciemment dirigés. Ce mouvement pousse donc à une forme uniformisation des goûts, des usages socio-culturels, voire de la perception de la réalité.
Mais les industries culturelles, tout en produisant et diffusant une culture de masse, peuvent aussi être les vecteurs d’une diversité accrue de l’offre culturelle et des comportements sociaux. Elles peut tout aussi bien favoriser le commun que l’individualisé, les pratiques culturelles mondialisées (par exemple, au cinéma, avec les « block-busters ») que les marchés de niche et les pratiques divergentes (cinéma d’auteur, styles musicaux alternatifs…).
Les industries culturelles et leur corollaire la culture de masse sont parmi les éléments culturels ceux qui marquent l’évolution moderne des usages dans la « société de consommation ». Le terme « société de consommation » est dérivé du terme « société industrielle de consommation dirigée », défini par Henri Lefebvre comme étant l’état du capitalisme d’après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, les prémisses de cette ère de consommation de masse sont apparues bien avant, au moment de l’industrialisation massive de nos sociétés occidentales, et l’on en trouve bien des exemples dans les arts du XIXe siècle (à commencer par les aperçus qu’en donnent les romans réalistes, et relayés par la presse de l’époque).
« On peut appeler culture de masse l’ensemble des objets culturels (et des pratiques qui leur sont liées) produits par les industries culturelles (quels que soient les médias) à destination (et ce n’est pas paradoxal) d’un grand public hétérogène (groupes et individus, contextes sociaux et références culturelles). » Éric Macé (2002). « Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode », Cahiers internationaux de sociologie, n° 112. DOI : 10.3917/cis.112.0045 « La culture de masse est un mouvement social vers des connaissances artistiques, culturelles, vers un système d’éducation, un mode de vie sociale et de pensée, un style de comportement, traduit par un acte de consommation, des codes de reconnaissance sociale. « La culture de masse est démocratique dans le sens où elle concerne l’ensemble de la société, qu’elle est accessible globalement, au delà des classes sociales. « Sa diffusion répond à des critères de production et de rendement. Pour atteindre ces deux objectifs, elle est transmise et promue par les supports média, dont elle est, de fait, dépendante, par lesquels cependant elle se développe et se diffuse au-delà des frontières. Elle n’existe cependant que par cet axe de possible diffusion médiatique. « Elle vise le bien être, le plaisir et vit par le désir de la société, ce qui la conceptualise sur le plan commercial. « La culture de masse a ses héros, ses mythes, ses créateurs… « Elle recouvre plusieurs courants culturels et d’expression, auquel chacun peut adhérer librement ou non, et se manifeste sous diverses formes : artistiques, intellectuelles, vestimentaires, technologiques. » Véronique Campa (2003), Séminaire Communication interculturelle et Internet, INALCO. Historiquement, et dès le XVIIe siècle, les grands médias ont toujours été critiqués pour ce qu’ils imposent des points de vue, des goûts, des modes, légitimant ainsi des courants de pensée, des usages ou des esthétiques, et qu’ils peuvent s’avérer servir des pouvoirs politiques, économiques ou moraux, en même temps qu’ils constituent ce que l’Angleterre a appelé le « Cinquième pouvoir », par leur capacité à justement s’opposer aux pouvoirs en place, à les critiquer et à en rendre publics les travers. dans un as comme dans l’autre, les médias de masse ont un effet sur la société, dont ils contribuent à faire évoluer les pratiques, les références, les convictions. Ce faisant, ils semblent offrir un boulevard pour l’uniformisation socio-culturelle, et néanmoins permettent une diversification culturelle favorisant les choix personnels et l’émancipation vis-à-vis des modèles des générations précédentes. Songeons que c’est la radio puis la télévision qui ont imposé les genres musicaux successifs du XXe siècle : jazz, rock ‘n roll, soul, reggea, etc. Pour comprendre le double mouvement d’uniformisation des cultures (ex : les séries américaines) mais aussi de démocratisation et de métissage, l’exemple de la (des) musique(s) est significatif. La concentration de l’édition musicale a été très intense au cours de ces dernières décennies, alors que dans le même temps la diffusion mondiale a permis que d’autres cultures s’approprient des formes musicales venues d’ailleurs, formes qui a leurs tours ont été ré-investies par d’autres… La variété des genres et styles musicaux dans le monde est extrêmement grande aujourd’hui. L’infini des musiques actuelles se superpose aux cultures musicales antérieures (classiques, folkloriques, traditionnelles ou savantes..) qui continuent d’exister tout en trouvant elles-mêmes de nouveaux auditeurs hors de leurs champs d’origine. Ainsi création, démocratisation, mode de diffusion nouveaux… viennent d’une certaine façon contrecarrer la concentration opérée par les grands majors de l’industrie du disque. A la fin du siècle dernier, nombreuses étaient les critiques formulées contre « la dictature de l’audimat », qui semblait régir à elle seule la programmation des grandes chaînes télévisées. Le phénomène et son impact sur les choix éditoriaux n’étaient sans doute pas si simples à analyser. Mais les acteurs du Web n’ont pas tardé à reprendre à leur compte les outils de gestion des contenus impliqués par les mesures d’audience, les inernautes se retrouvant plus que jamais des consommateurs pistés, surveillés et valorisés financièrement par la vente d’espaces publicitaires ciblés. N’y a-t-il rien de nouveau sous le soleil, ou est-ce devenu pire ? « L’impact des mesures d’audience sur les choix de programmation des médias, aussi nommé l’audimat, n’est pas la chose dont parlent à la fois ceux qui le défendent et ceux qui le critiquent : d’un côté il ne représente pas le public et ses goûts, d’un autre côté il n’est pas le facteur central et déterminant de la programmation. Il est, bien au contraire, une des médiations parmi d’autres qui font de la culture de masse l’expression d’un conformisme instable, lui-même à la fois nécessairement l’objet d’une critique sociale généralisé et objet sociologique passionnant. » Éric Macé (2002). « Dès lors que la culture n’est pas produite par une institution en situation de monopole et de pouvoir mais à travers les mécanismes du marché, le principal problème qui se pose est de savoir ce qui intéresse les gens, ou, tout du moins, de savoir comment les intéresser. S’agissant de la télévision généraliste, le débat oppose classiquement les défenseurs et les dénonciateurs de « l’audimat », c’est-à-dire de l’introduction des mesures d’audience dans les choix de programmation. D’un côté, l’audimat serait une entrave à la créativité des professionnels et l’expression d’une « tyrannie de la majorité » sur la diversité des attentes de publics eux-mêmes divers. D’un autre côté, l’audimat permettrait de remettre le public réel de la télévision (plutôt familial, populaire et féminin) et ses goûts au centre d’une programmation jusque-là monopolisée par les prétentions « populicultrices » de professionnels et de « non-publics » (mais prescripteurs de bon goût culturel) de la télévision. » Éric Macé (2003). « Le conformisme provisoire de la programmation », Hermès, La Revue, n° 37. DOI : 10.4267/2042/9393 « À l’origine, internet n’avait pas d’audience ; certes ses usagers existaient bien, mais il ne s’agissait alors que de collectifs académiques ou d’usagers pionniers qui ne répondaient en rien au critère d’une audience car internet n’avait alors pas d’offre éditoriale. Or les mesures d’audience sont nées avec le développement des médias de masse (presse, radio, télévision) et avec le souci des éditeurs et des publicitaires de connaître les caractéristiques de leurs publics au moyen de dispositifs d’enquête par sondage. Ainsi, la notion d’audience appliquée à internet n’a-t-elle vraiment émergé qu’au cours de la dernière décennie du xxe siècle, qui correspond à son ouverture progressive au « grand public » et à l’arrivée des grands médias de masse sur le Web, tandis que les fournisseurs d’accès, moteurs de recherche et portails s’inspiraient de plus en plus du modèle de la presse magazine et de la télévision. Aujourd’hui, la collecte de données sur l’audience est devenue un enjeu crucial pour les acteurs d’internet et l’explosion des mesures du « public » témoigne de l’entrée de ce média dans la sphère du marché. » Josiane Jouët (2004). « Les dispositifs de construction de l’internaute par les mesures d’audience ». Le Temps des médias, 2004/2 (n° 3). DOI : 10.3917/tdm.003.0160. Deux décennies plus tard, alors qu’Internet est devenu la principale source d’accès à l’information dans les pays industrialisés, la mesure de l’audience ne préoccupe pas davantage les acteurs du Net. « Dès lors qu’il enquête sur le web, le chercheur en sciences sociales est immédiatement confronté à un grand nombre de données d’audience que l’on résume souvent sous l’expression générique des « métriques du web ». Ces données offrent une représentation synthétique du volume et de l’activité des personnes qui composent le public du site : nombre de pages vues, nombre de visiteurs uniques quotidiens, temps passé sur le site, part des visiteurs provenant d’un moteur de recherche, nombre de visiteurs ayant cliqué à des endroits précis du site, et éventuellement la mesure des contributions que les internautes ont posté sur le site en question (contenus, commentaires, évaluations), etc. Souvent accessibles pour des périodes temporelles variées – aujourd’hui, depuis une semaine, depuis un mois, etc. –, ces informations sont produites par une variété de dispositifs et d’institutions. Le responsable d’un site ou d’un blog peut accéder à ces données statistiques soit directement à travers l’architecture de son site – la plupart des plateformes de blogs offrent ainsi des outils intégrés pour mesurer l’audience – soit par le biais de services extérieurs qui peuvent être de deux types. » Sylvain Parasie et Éric Dagiral (2013), Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales. Paris, Armand Colin. Parce qu’il est facilement et largement accessible, le cinéma est avec la musique le plus populaire des arts. Comme elle, il tend à minimiser les barrières socio-culturelles et éducatives. Et le sens des oeuvres cinématographiques, dans leur très grandfe majorité, est accessible par tous. Pour autant, toute une partie des réalisateurs positionnent leurs films dans un champ plus restreint, moins universellement accessible sinon plus élitiste. Leurs références, leurs esthétiques, peuvent les faire aparaître comme hors normes, qu’il s’agisse du traitement sonore propre à Jean-Luc Godard, à l’usage de la voix off et de l’image fixe chez Chris Marker, ou des cadrages de Wong Kar Wai. C’est aussi parce que, historiquement, le cinéma se consomme en salle et en groupe et non pas isolément qu’il est devenu un vecteur fort de culture de masse. Depuis longtemps, les études montrent que le cinéma est « la pratique culturelle la plus populaire » (95% des français y sont allés au moins une fois dans leur vie, relevait Olivier Donnat en 1997). L’apparition sur Internet de plateformes de diffusion et même de production en exclusivité, comme Netflix, n’est pas séparable de leur promotion sur les réseaux sociaux, et les grandes séries initialement accessibles sur le Web font aussi place maintenant à de grandes oeuvres cinématographiques réalisées par des cinéastes reconnus. et le relais des médias sociaux assure à ces nouvelles productions cinématographiques des succès mondiaux, des taux de fréquentation élevés, et une place de premier plan dans la culture de masse. Les deux publics coexistant et l’attrait du grand écran restant bien vivace, on s’achemine vers une porosité des deux systèmes de diffusion : en salle et sur Internet. Le virage semble pris fin 2021, malgré la concurrence économique sous-jacente : « Netflix renonce à son mini-festival de cinéma avec des salles privées. Face à la grogne de la profession, le géant du streaming a renoncé à son projet d’organiser un mini-festival du cinéma dans les salles traditionnelles. Il fera un cycle de projection dans deux cinémathèques », annonce Marina Alcaraz dans le média économique Les Echos (27 octobre 2021). Et le cinéma, côté culture de masse, c’est aussi un sacré outil de « soft-power » ! L’ Histoire du cinéma, une vraie guerre ! (France, USA, Allemagne, Inde…) Avant d’en arriver à ce genre d’images incroyables, aussi bien visuellement que techniquement, le 7ème art a, comme tout art, subit de nombreuses évolutions et transformations. Mais il a surtout pris naissance dans un contexte historique particulier ! Un épisode écrit par Calie, Ben et Will, pour Nota Bene sur youtube. Plus de données pour l’utilisation pédagogique du cinéma sur les pages dédiées du site esc@les : Cinéma#Ressources-Pratiques et Cinéma#Droits de diffusion. 1. Le concept d’industries culturelles est élaboré dans les années 1940 par Théodor Adorno et Max Horkeheimer. Pour ces auteurs de l’École de Francfort, fortement inspirés de Marx et de Freud, il s’agit d’une expression regroupant l’ensemble des activités et techniques qui reproduisent massivement les œuvres culturelles, selon les principes de rationalisation et de standardisation. La production de l’art suit les mêmes critères que la production industrielle. Ainsi, la technique et son rôle dans le système capitaliste conduiraient à une dépravation de la culture. Adorno affirme que «cette culture ne nourrit les hommes que de stéréotypes». La conjonction entre art et technique et la réflexion sur le caractère d’unicité de l’œuvre n’avaient pas échappé à Walter Benjamin. Dans un texte célèbre intitulé «L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée», publié en 1936, Benjamin y analysait comment le principe même de la reproduction en série, notamment la photographie, entraîne la déchéance de l’aura de l’œuvre et la dissolution éventuelle d’une expérience authentique. 2. Le débat qui s’est instauré depuis sur les industries culturelles se superpose au débat sur une notion qui lui est directement liée celle de « culture de masse ». Roland Barthes au début des années 1960 rejoint la pensée de l’École de Francfort en opposant culture de masse et culture cultivée. D’un côté on aurait une culture de la classe des “élites“ et de l’autre une culture tirée “vers le bas“, phénomène propagandiste d’homogénéisation dont les moyens de diffusion réduiraient la qualité de l’œuvre. 3. Edgar Morin dans L’Esprit du temps (1962) soutient que la culture de masse n’est pas une forme de culture inférieure ou dégradée sur une échelle qui serait dominée par l’art et la littérature « savante » ; qu’elle n’est pas non plus, au sens ethnologique, une culture spécifique à un groupe particulier (elle n’est pas la forme contemporaine d’une « culture populaire ») ; mais qu’elle est une culture au sens anthropologique, c’est-à-dire un ensemble singulier de représentations du monde issu d’un mode spécifique de production et prétendant articuler les dimensions individuelles et collectives, réelles et imaginaires, de l’existence. Autrement dit, tout comme il existe une « culture nationale » produite par l’école, une « culture religieuse » produite par l’Église, une « culture humaniste » produite par l’art et la philosophie, il existe une « culture de masse » produite par les industries culturelles, qui « se surajoute » aux premières : si elle n’est pas la « seule culture du XXe siècle », elle est « le courant véritablement massif et nouveau du XXe siècle“. Pour Edgar Morin : la culture de masse naît de la rencontre des techniques de communication, du marché de la consommation et de la démocratie de masse. La culture de masse est un rapport au monde esthétique et désenchanté. La culture de masse est réaliste. Le mythe du bonheur individuel est subversif. Les mythes de la culture de masse sont réversibles. Dans les débats des années 60, beaucoup d’auteurs soulignèrent l’absence de définition claire de la notion de masse, celle-ci renvoyant tantôt à l’ensemble de la population, tantôt à sa composante populaire. Ce fut le cas en 1963, par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans un article intitulé «Sociologues des mythologies et mythologies des sociologues ». 4. Plus tard, Hannah Arendt en 1972, soutiendra l’idée que la culture de masse n’est pas une forme dégradée de la culture du fait de son extension ; elle le devient «quand ces objets eux-mêmes sont modifiés, réécrits, condensés, digérés, réduits à l’état de pacotille pour la reproduction et la mise en image». Cette notion de «masse», reste toujours ambiguë, voire idéologique et se prête à plusieurs critiques : d’une part elle semble toujours se définir par rapport à une autre culture supérieure, et d’autre part elle ne tient pas compte de la diversité des publics et de la diversité de la réception. Or, depuis les années 80, les travaux sur la réception ont montré toute la complexité de ce qui se joue entre l’œuvre et son spectateur. Par ailleurs la confusion entre démocratie et libre circulation des biens de consommation est si profonde que toute protestation contre l’industrialisation de la culture est automatiquement perçue comme une protestation contre la démocratie elle-même. Plutôt que de considérer les notions de culture de masse et d’industries culturelles dans leurs manichéismes, il convient de les approcher à travers les paradoxes qu’elles renferment ou construisent. Ainsi, plutôt que d’opposer deux aspects entre eux, considérons-les dans leurs dialectiques réciproques. Mettre en avant les seuls méfaits des médias de masse, par exemple, c’est oublier que la culture de masse est aussi une culture à part entière qui reflète d’une certaine façon les aspirations et imaginaires des peuples. Cette double dimension est présente dès l’apparition de la presse, au XVIIe siècle. Dès l’origine, la lutte pour la liberté de la presse se confond avec la lutte pour la démocratie, tout en considérant la presse comme un moyen de propagande et de manipulation des foules. «Tout faiseur de journaux doit tribut au Malin», notait La Fontaine (lettre à S. de Troyes, 1987).Les industries culturelles, vecteurs de culture de masse ?
L’exemple de la musique
De la télévision au Web, la recherche de l’audience
Le cinéma, culture populaire et culture de masse