S’il est nécessaire de distinguer l’enseignement « socio-culturel » de la « sociologie », science des sociétés et faits sociaux, (bien que leurs représentants partagent parfois le même surnom de « socio »), il peut être néanmoins pertinent de mobiliser les outils de cette dernière dans le cadre des activités de l’ESC. Il en va ainsi des techniques d’entretien utilisées dans le cadre des enquêtes sociologiques qui peuvent intégrer un travail engagé lors d’une étude de territoire, de diagnostic préalable au PADC…
Sous cette rubrique on trouvera : I. De quoi s’agit-il ? – II. Les techniques de l’entretien – III. Éléments de méthodologie et de réflexion I. De quoi s’agit-il ? (Selon Élisabeth Baumeier, Académie de Strasbourg.) 1. Définition « L’entretien est une situation de communication orale, l’un est l’enquêteur et l’autre l’enquêté (plus rarement un groupe). Les données recueillies sont essentiellement des opinions, des motivations c’est-à-dire des informations qualitatives. Il est souvent choisi pour compléter une enquête par questionnaire. » 2. Les différents types d’entretien « Il existe 3 types d’entretiens : – L’entretien non directif : il repose sur une expression libre de l’enquêté à partir d’un thème proposé par l’enquêteur. L’enquêteur se contente alors de suivre et de noter la pensée, le discours de l’enquêté sans poser de questions. – L’entretien directif : ce type d’entretien s’apparente sensiblement au questionnaire, à la différence que la transmission se fait verbalement plutôt que par écrit. Dans le cadre de cet entretien, l’enquêteur pose des questions selon un protocole strict, fixé à l’avance (il s’agit d’éviter que l’interviewé ne sorte des questions et du cadre préparé). – L’entretien semi-directif : il porte sur un certain nombre de thèmes qui sont identifiés dans un guide d’entretien préparé par l’enquêteur. L’interviewer, s’il pose des questions selon un protocole prévu à l’avance parce qu’il cherche des informations précises, s’efforce de faciliter l’expression propre de l’individu, et cherche à éviter que l’interviewé ne se sente enfermé dans des questions. » 3. Le guide d’entretien « L’outil qui sert de support est le guide d’entretien, document qui liste les thèmes ou les questions à aborder et qui permet parfois de saisir les réponses au fur et à mesure de l’entretien. Le guide d’entretien liste : * Les thèmes à aborder pour un entretien non directif. * Plusieurs questions qu’il est possible de poser pour un entretien semi-directif. Le guide prévoit parfois des questions de substitution, complémentaires ou de clarification lorsque la réponse n’est pas satisfaisante. * Les questions sous forme d’un questionnaire pour un entretien direct. » II. les techniques de l’entretien L’entretien fait partie des situations professionnelles auxquelles les élèves doivent être préparés. On trouvera ci-dessous un guide simple pour y préparer les jeunes. L’entretien libre commence en général par : « parlez moi de…. » et laisse l’interlocuteur libre de raconter. Il faut s’abstenir de poser des questions et laisser les silences s’installer afin de permettre à la personne de pouvoir exprimer ses émotions, ses opinions. Il est parfois nécessaire de recadrer la conversation si la personne s’éloigne trop du sujet, et de relancer si elle ne voit plus rien à ajouter, parfois aussi faire préciser certains points. L’entretien de style semi directif rejoint l’interview par l’objectif fixé, à savoir : recueillir un certain nombre d’informations. Des questions préparées doivent guider l’entretien tout en laissant un espace disponible pour des informations qui s’avèreraient intéressantes. Ce n’est pas seulement un questionnaire, mais un guide qu’il ne faut pas perdre de vue tout en laissant place à l’écoute. Tout entretien, qu’il soit d’enquête, de négociation, de régulation, d’aide ou thérapeutique, nécessite une écoute qui sera centrée sur l’action (enquête, négociation) ou sur le vécu relationnel (régulation, aide). Cette écoute relève d’une double attitude : attitude réceptive et attitude perceptive. La meilleure écoute ne permet pas de tout comprendre. De plus, l’autre peut avoir des difficultés à s’exprimer. Poser des questions, reformuler, permet de clarifier ce qui a été dit, facilite la réflexion et prouve l’intérêt pour ce que dit l’autre. Les questions La reformulation La reformulation consiste à redire d’une autre manière ce que vient d’exprimer l’autre et à s’assurer que le sens du message a été bien compris. Le plus souvent, la reformulation précède une question, elle est une forme de vérification de l’écoute. L’attitude qui consiste à écouter une personne sans porter de jugement sur ce qu’elle dit et à lui montrer que nous avons compris son message et ses sentiments porte le nom d’empathie Rogérienne ou écoute active. Principaux modes de reformulation L’usage des questions et des reformulations garantit l’écoute, mais n’ouvre pas toutes les portes de la compréhension entre interlocuteurs ; d’autres facteurs interviennent dans l’entretien qui rendent l’écoute aussi complexe que la relation elle même. Ainsi, entre l’interlocuteur A et l’interlocuteur B, nous constatons une déperdition de charge qui se traduit dans le graphique : L’écoute n’est pas un processus naturel, elle demande une volonté de participation, de concentration L’auditoire n’est pas uniforme, chacun reçoit avec son histoire, son état physique et psychologique. On peut améliorer son écoute, en précédant la pensée de son interlocuteur, et en démêlant ce qui est important. Ne pas oublier que l’écoute se traduit également au niveau du non verbal : position du corps, jeu du regard, gestes, habillement… Une écoute active est dénuée de préjugés, elle fait passer le message suivant : j’entends bien, je vous suis, je comprends.. L’autre et son ailleurs L’entretien nous permet de partager avec autrui une situation vécue dans l’ici et le maintenant et la réalité commune dont nous parlons, de façon parcellaire. Mais dans la rencontre même, chacun est ici avec son ailleurs : l’indicible et l’inaudible. Mal entendre, les malentendus L’étymologie de malentendu : entendre, du latin intendere « tendre vers », c’est à dire être attentif, d’où le sens de comprendre. Le malentendu viendrait donc d’une mauvaise attention à l’autre, d’une compréhension erronée du discours ou du comportement de l’autre, d’une carence d’empathie. Mais entendre signifie aussi écouter : le malentendu proviendrait également d’une défaillance d’écoute. C’est autour de ces deux sens du mot « entendre » qu’il faut rechercher les sources du malentendu. Les sources du malentendu Agir sur les malentendus Cela consiste à la fois à agir sur : entendre (tendre vers), comprendre et écouter (ouïr) La communication interpersonnelle efficace reprendrait à son compte la finalité de l’autre perçu comme un aboutissement et non comme le spectateur réifié d’un monologue qu’on lui assène. (J.P.Guedj, 50 fiches de communication) Quiproquo du latin quid proquo : quelque chose pour quelque chose, le quiproquo est synonyme de malentendu et désigne bien par son étymologie la méprise qui fait que l’on prend une personne ou une chose pour une autre. Prendre le risque d’écouter pour se faire entendre, c’est l’enjeu de la relation. III. Éléments de méthodologie et de réflexion 1. Préparer un entretien (dont l’objectif est de recueillir des informations particulières…) 2. Conduire un entretien (dont l’objectif est de recueillir des informations particulières…) 3. L’écoute active… (voir aussi → généralités) Quand quelqu’un parle, la tendance la plus spontanée est d’intervenir immédiatement dans son discours. L’intervention est encore plus forte si ce qu’il dit me choque, me surprend ou me gêne. Ces réactions, justement parce qu’elles interviennent de manière trop rapides, constituent autant d’obstacles à une bonne écoute et donc à une bonne compréhension… Le plus souvent, je réagis tout de suite pour… Ces comportements ne sont pas répréhensibles, ils sont naturels… Leur tort est d’arriver trop vite et de couper la communication ou au moins de la fausser… Parce que je me connais, il est important de : En adoptant une attitude compréhensive qui favorise une écoute active, je permets à l’autre de s’exprimer et d’exister. Loin d’être passive, cette écoute, pleine de retenue est profondément active. Elle ne demande aucune technique particulière, mais un certain contrôle de ses impulsions immédiates…. 4. A méditer : entretien avec Georges Brassens Extraits de Toute une vie de chanson. Aborder l’enquête sociologique exige la prise en compte de multiples facteurs conditionnant sa faisabilité et sa validité. Dans le contexte de l’enseignement agricole, les angles spécifiques à la sociologie rurale, à l’anthropologie et à l’ethnologie demandent quelques lectures.
Au-delà des données concernant spécifiquement les situations de communication que constituent les différents types d’entretien (présentées dans d’autres sous-pages), le GAP ESC a produit un ensemble de ressources permettant une compréhension des enjeux. On se privilégiera ici sur la sociologie du rural, mais sans exclusive. L’entretien semi-directif vu par Philippe Sahuc [clic droit / ouvrir… vidéo, 4 min 54] Libres propos sur l’entretien semi-directif par quelqu’un qui le pratique assidûment… Philippe Sahuc, maître de conférences, sociologie de l’éducation, ENSFEA. Schéma de la transposition didactique de l’entretien semi-directif: de la sociologie à l’ESC. Schématisation des appropriations de l’approche didactique et des représentations à construire/déconstruire par l’enseignant et par les élèves. Éléments d’épistémologie de l’entretien à visée exploratoire, d’après Blanchet et Gotman (2010). L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris, Armand Colin. « L’entretien est un parcours. Alors que le questionneur avance sur un terrain entièrement balisé, l’intervieweur dresse la carte au fur et à mesure de ses déplacements. » Définition : « L’enquête par entretien est une technique qui s’impose lorsque l’on veut aborder certaines questions, et une démarche qui soumet le questionnement à la rencontre au lieu de le fixer d’avance. » Du pourquoi ? au comment ? Howard S. Becker (2002). Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales. Paris, La Découverte, 2002). Ce sociologue s’appuie sur sa propre pratique de l’entretien pour repérer comment l’utilisation du « pourquoi ? » et du « comment ? » peut influencer les réponses formulées dans le cadre d’un entretien. L’enquête : Modélisation pour la transposition didactique en ESC à partir d’une sélection d’enquêtes par entretiens semi-directifs en sociologie rurale (déclinable en 2nde GT, etc.) ; document de synthèse par Laurent Dussutour (GAP). (image : Didier Christophe)