L’écoute musicale

Écouter une œuvre, en classe ou dans un temps d’animation, c’est une activité qui met en jeu de nombreux éléments en fonction il convient d’avoir préparé une approche pédagogique adaptée aux attendus de la séance, dans une logique globale conforme à celle de la séquence plus ou moins longue que l’on dédie à l’approche musicale. C’est cette approche conceptuelle initiale que vous permettra cette page, en vous fournissant des outils réflexifs, sans préjuger de l’usage didactique que vous en ferez ; ce n’est donc pas une proposition de progression ni de séance clé en main.

« L’écoute de l’œuvre musicale : des représentations aux savoirs sur l’œuvre ». C’est le titre d’une journée d’études du laboratoire LLA CREATIS de l’Université Toulouse Jean Jaurès (UT2J), le 22 février 2019, dont les plusieurs communications font ici l’objet de synthèses :

  • L’écoute musicale : mécanismes et effets cognitifs, d’après Marion PINEAU-GIRARD, ESPE Dijon, Université Bourgogne.
  • La perception de la musique en question, d’après Pascal GAILLARD, UT2J ; Cynthia MAGNEN, UT2J ; et Julien TARDIEU, CNRS, UT2J.
  • Appréhender l’œuvre musicale par ses réceptions ordinaires : une esquisse d’analyse musicale collaborative, d’après Stéphane ESCOUBET, UT2J.
  • L’écoute « musicale » et l’oeuvre-objet, d’après Nicolas MARTY, Sorbonne Université.
  • Des représentations individuelles à une connaissance partagée de l’œuvre musicale (comparaison entre novices et experts), d’après Frédéric MAIZIERES, UT2J-ESPE Toulouse.
  • L’enseignement explicite au service de l’analyse auditive en éducation musicale, d’après Marie-Céline HUGUET, ESPE Bourgogne.

Des mécanismes cognitifs

L’écoute musicale met en jeu des mécanismes et effets cognitifs.

Selon Marion Pineau-Girard, les émotions arrivent après que se soient installées diverses sensations, permettant le déroulement de mécanismes induisant des effets cognitifs ;

  • la représentation préalable de ce qu’est une œuvre musicale, et plus simplement d’un son ou d’un effet musical, doit être évoquée avec les élèves (très rapide : la valence peut être perçue en un dixième de seconde, dès l’attaque d’un morceau ou d’un extrait musical),
  • l’amorce harmonique (accords, dissonances),
  • l’amorce rythmique (polyrythmie,adéquation rythme mélodie et rythme paroles, et modèles rythmiques ambigus comme le ternaire),
  • l’énergie ressentie à l’écoute (haute, basse, négative, positive),
  • l’émotion corporelle (joie, tempo, mode sont déterminants) [Bigand 2018],
  • les pensées vagabondes à l’écoute, porteuses d’associations (triste = introspection vs joyeux = ouverture au monde), et qui sont liées à la plus ou moins grande capacité de concentration, laquelle est aussi liée au rythme du morceau, facilitant plus ou moins l’attention ou la rêverie.

Ainsi, Marion Pineau-Girard peut observer (même chez des nouveaux-nés) que le rôle du rythme et de la mélodie influe dans l’engagement ou le comportement social induit : synchronisation au mouvement d’autrui et empathie/attirance pour celui qui bouge en synchronisation, particulièrement sur les mélodies familières.

La perception

La perception de la musique en question

« La musique est la science des sons, le son est donc l’objet principal de la musique »

(Jean-Philippe Rameau, XVIIIe siècle).

Enseignants en musicologie à l’Université de Toulouse, Pascal Gaillard, Cynthia Magnen et Julien Tardieu proposent un ensemble d’entrées perceptives ayant un impact sur l’écoute musicale chez leurs étudiants. Les points repérés ci-après peuvent donc paraître élitistes, mais soyons rassurant : ils sont présentés ici pour permettre à l’enseignant-animateur de se forger une approche didactique personnelle. Dans leurs propres communications, Stéphane Escoubet et Frédéric Maizières permettent de relativiser le niveau d’exigence, et dès lors le croisement de ces approches diverses pourra désacraliser l’écoute en ouvrant des possibilités d’en adapter les modalités aux publics de l’Enseignement agricole.

Voici donc ce qu’il conviendrait de questionner :

L’auditeur lui-même a un rôle à jouer : quelle écoute déploie-t-il  ? Attentive ou non, socialisée ou non   ? Dans quelle condition acoustique (salle de concert, autoradio, mono/stéréo)  ?

Le timbre est une notion à intégrer : différencier, identifier, reconnaître le timbre d’un instrument, violon ou trompette. Puis faire des associations induites par l’identification : c’est une trompette donc c’est du jazz, alors qu’en fait on n’a pas discriminé le timbre d’un tuba ou d’un saxophone et que ce n’est pas du jazz. C’est un piano… mais est-il de bastringue, de concert, électronique…? On est déjà au cœur de l’écoute !

Le compositeur lui-même joue du timbre de son instrumentum (la composition de son orchestre). Le timbre « causal » et la la couleur sonore (cf. Michèle Castellengo) : Bach obtient des timbres comparables en alliant violon et aubois à la place de trompettes, à l’écoute inattentive, le timbre est proche.

Le musicien, celui qui interprète le morceau musical, produit un son pour les gens qui sont en face. Il rectifie en temps réel le son qu’il produit (par rapport à la distance de son public, ou par une dégradation volontaire, afin de jouer à la fois sur l’origine du son produit et la réception qu’on peut en avoir. Il part donc d’une représentation de la chose qu’il produit, et qu’il n’entend pas nécessairement (par exemple lorsqu’il joue au sein d’un grand orchestre. Sachant qu’informatiquement on va trouver des différences acoustiques par analyse informatique, mais à l’oreille, à l’écoute, ça ne s’entend pas… car pour le musicien, un matériel plus onéreux donnera le même son, celui qu’il veut produire, mais avec plus ou moins d’effort pour obtenir ce son.(exemples de l’archet du violoniste, du bec et de l’anche pour le saxophoniste).

Le compositeur va utiliser le musicien et son ressenti de la musique qu’il a à interpréter pour jouer sur la réception de l’auditeur (attention, émotion…). Ce ressenti du musicien est une des choses qui, peuvent expliquer un jeu à deux pianos ou à quatre mains, les musiciens n’ayant pas à vivre les mêmes contraintes pour jouer à deux : le rendu peut en être modifié. Dans la symphonie pathétique, ou parfois chez Tchaïkovski, ou même dans des cantates de Bach, il peut y avoir deux lignes mélodiques (mélodie principale et contre-chant) dont l’interprétation est alternée entre deux violons (jouant alternativement les notes de la mélodie aiguë et du contre-chant grave) : c’est une source de tension pour les musiciens, qui peut (peut-être) se percevoir à l’écoute par l’auditeur.

L’expertise : qu’est-ce qu’un expert en musique ? Sait-il la lire, la jouer, l’analyser  ? Ou bien faut-il admettre le fait que la musique s’imposant à tous en nous arrivant, chacun pourrait constituer son expertise propre…?

Le type d’études préalables : de nombreuses disciplines sont aujourd’hui associées à la musique et à la théorie musicale, du fait de l’introduction des entrées informatique, psychologie, neurosciences, sociologie, biologie génétique…

Relativisons… évidemment, on n’attend pas des élèves de l’Enseignement agricole qu’ils maîtrisent ces savoirs. Mais leurs enseignants-animateurs peuvent s’être eux-mêmes questionnés sur ces déterminants avant que d’engager leurs activités pédagogiques dans le champ musical.

Analyse coopérative

Appréhender l’œuvre musicale par ses réceptions ordinaires : une esquisse d’analyse musicale collaborative

Stéphane Escoubet a développé cette approche à partir d’une approche de la pop alternative promue par le magazine Les Inrockuptibles. Il prend en compte des représentations liées à ce que nous révèle la sociologie (sociologie de l’art et des publics, cultural studies, gender studies, reception studies, fan studies. Cf. notamment Stéphanie Molinero, Les publics du rap).

Les représentations liées à la réception musicale, au-delà de la matérialité des supports, et selon divers publics, peuvent différer grandement, impliquant des affects, opinions, images, préjugés, stéréotypes, croyances…

La réception du « classique » par les « non-initiés » peut ainsi être source de surprises. Selon les conditions d’accès et les représentations construites, ou héritées, un extrait de la Norma de Bellini peut être perçu comme musique de film, de public d’opéra, de café ?

La réception de la pop alternative ne suppose pas moins de codes ni d’affects… « Communauté de goût donnée dans un contexte donné » (Askenazy), la communauté de fan développe des échanges, des webzines, etc. qui confortent des représentations. Le physique du leader, présence scénique, jouent autant que la musique elle-même (et la classique dépréciation méliorative dans la bouche du fan de rap)… Au point qu’une partie de ce public ne fera qu’une faible distinction entre l’œuvre et l’artiste.

Dans un cas comme dans l’autre, quid de l’écoute des amateurs, écoute non normée, amenant des discours sur l’œuvre ? Comment faire aboutir une écoute un brin analytique auprès d’amateurs de base… grâce à quels entretiens, protocoles de tests autour d’un matériau (enregistrements, captations de concerts, fanzines, web)…? Quelles questions de relance peuvent permettre de faire approfondir la perception et l’explicitation par les élèves.

Ainsi, on peut faire émerger ce qui est signifiant et affectif dans la réception ; et la musique populaire, notamment dans sa composante soupe la plus commerciale, peut alors se percevoir finement comme porteuse de sens profond et de sensibilité impactante, ce que ne permettrait pas l’écoute par un amateur de musique savante. On retrouve une porte d’approfondissement entre pensée vagabonde et écoute active. Dès lors, on peut investiguer par exemple : en quoi la musique classique serait perçue comme une musique instrumentale, sans voix, peu différenciée de la musique de film par l’auditeur moyen de chanson populaire (auditeur de rap comme de l’eurovision).

De fait, l’expertise requise n’est pas la même selon les types de musique abordés, et la recherche commence à s’en saisir. Quant à l’ESC, rien n’y est rejeté, tout est audible, abordable, entendable, compréhensible… et source d’émotion.

L’oeuvre-objet

L’écoute « musicale » et l’oeuvre-objet.

Nicolas Marty aborde la musique dite acousmatique, ou électroacoutique (osera-t-on la rapprocher ici de la musique concrète ?).

Les conduites d’écoute (cf. François Delalande) face à la musique acousmatique, ce n’est pas sorcier : il n’y a pas d’œuvre en dehors de l’écoute… sauf qu’on peut aussi se référer à l’écoute structurelle promue par Adorno (introduction à … de la musique), mais bien sûr, on peut laisser place à une écoute plus libre, moins directionnelle et moins experte.

 Dans tous les cas, la musique acousmatique, comme d’autre formes des « musiques classiques contemporaines », questionne les représentations musicales liées aux structures musicales, structuration en styles (Michel Imberty, 2001)… Et en ce sens, Chouvel (2006) a pointé qu’il y a toujours un style d’écoute lié à style d’oeuvre. Baboni (2007) en donne la responsabilité au compositeur : la segmentation par l’auditeur (en termes de publics) est liée aux choix du compositeurs.

« Les œuvres prescrivent non seulement un mode d’écoute mais un mode de pensée adéquat »

(Pradelle, 2013).

Marty se réfère à Wright (2011) et préconise, pour une écoute éducative de ces styles de musique : détection de rythmes, mélodies et autres paramètres par le mode d’écoute discriminatif.

Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque la forme musicale innovante proposée est trop « inouïe », et semble trop « intello », il y a sans doute toujours prévalence de la cognition sur l’émotion et l’imagination (aussi convient-il de sortir de l’écoute descriptive venue des œuvres à programme).

Kémal Afsin, dans Psychomédagogie de l’écoute musicale (2009), promeut l’écoute active, permettant une écoute progressive, c’est-à-dire une progressivité dans l’appréciation et l’appropriation. Il propose pour la déjouer une hiérarchie des modes d’écoute, (ici de la plus haute à la plus basique) :

  • Écoute intérieure, audition mentale,
  • écoute analytique et culturelle,
  • écoute descriptive, imagée,
  • écoute empathique,
  • écoute intuitive,
  • niveau d’indifférence.

Mais si ça peut convenir pour les musiques tonales, voire atonales, qu’en est-il de ce schéma simpliste pour l’écoute de la musique acousmatique ? A quoi bon enseigner une modalité d’écoute qui ne permet pas d’être efficient dans l’analyse  ? Des manières d’écoute divers peuvent se fonder sur des approches psychologiques, esthésiques, et du point de vue du développement personnel de l’auditeur (non pas forger une culture musicale mais une sensibilité en développement). Comment une pédagogie pourrait permettre cela  ?

Le choix de produire sa propre culture de paysages sonores, choix entre l’origine de ce que l’on écoute et la capacité à développer du sens, qui elle-même se nourrit d’une pratique diversifiée de l’écoute.

Donc ce ne sont pas des strates à dépasser (dans une logique analytique progressive venue d’Adorno), peut-être plutôt des postures diverses alliant toujours empathie, images et analyse, en laissant toujours place au sensible, alors que les modes d’écoute fondés sur l’imaginaire sont culturellement dépréciés or ils sont aussi porteurs d’appropriation, d’identification par l’écoute imagée (= l’écoute figurative de Delalande), le son étant perçu comme une matière, un espace, une présence, un enveloppement, une présence, etc, très évidents dans la musique acousmatique électroacouticienne. Reliée à l’écoute empathique, l’écoute imagée va être réorienté par tout changement de surface (changement de volume, de rythme, de tonalité, etc.), rupture sur laquelle tous les auditeurs de se trouvent.

Pour l’enseignant-animateur : adapter les modes d’écoute (prescrits, tolérés, ouverts…) à ce que l’on vise comme développement de l’élève, et comme capacité.

Représentations & connaissances

Des représentations individuelles à une connaissance partagée de l’œuvre musicale.

Frédéric Maizières à donné à sa communication ce sous-titre : Comparaison entre novices et experts.

Ce qu’il se propose d’étudier, c’est ce que des personnes, novices, sans formation musicale, ou experts, perçoivent (élèves de primaire, étudiants de master MEEF-PE, et du master MEEF éducation musicale). Et au-delà, l’écart entre prescription et ennui qui peut en résulter. Pour cela, il cible deux publics : des élèves de primaire d’une part, et des étudiants en master MEEF d’autre part.

Il identifie d’abord différents types de récepteurs, en fonction de leurs aptitudes à percevoir. Récepteur novice : perception primaire fondée sur le ressenti. Récepteur expert : structure, rythme, harmonie, etc.

La perception sonore et musicale, est plus ou moins fondée sur du sensible ou des connaissances : distinguons connaissances primaires issues de la simple fréquentation et connaissances déclaratives plutôt que procédurales et non automatisées, ou connaissances secondaires issues de la formation et d’une approche procédurale automatisée (cf .McAdams, 2015 ; Sloboda, 1998 ; Genette, 1977).

Maizières propose un extrait d’œuvre comme mise en bouche. Et voici le déroulement de sa séance:

  • Œuvre écoutée : extrait de Jacques Lejeune, Clin-d’oeil à Jean de La Fontaine.
  • Deux écoutes puis mise par écrit de 3 à 5 mots, puis échange des mots.
  • Troisième écoute, nouveaux échanges.
  • Puis 4ème écoute, suivi de la constitution de deux listes de mots et idées : l’une qui met tout le monde d’accord, l’autre de mots qui ne font pas consensus.
  • 5ème écoute et débat ;
  • Bilan final permettant la récolte de verbatim selon que les témoignages viennent de novices ou d’experts).

Les experts cherchent à établir le repérage de structure, typologie, compositeur, intention, problématique de l’œuvre.

Le rapport aux mots entendus dans l’extrait est aussi questionné, dans le cas d’un morceau chanté.

Les consignes sont les mêmes pour chaque groupe.

Les experts s’expriment sur leurs repérages par des termes techniques explicites (polyphonie, synchronisation, écriture, tessiture, parties…), les novices ont un vocabulaire du ressenti. Mais la différence se fait aussi entre adultes et enfants, concernant le style pour les adultes de master MEEF Professeur des écoles et MEEF Enseignants du second degré en éducation musicale (moderne, contemporain, émotions…), et l’ambiance pour les enfants (joyeux, triste, images…). Il en est de même pour l’approche de l’exécution, pour les experts (saccadé, lié, aigu, grave, contraste…), les adultes novices (contre-temps, contemporain), les enfants (vif, son, ostinato…), ces connaissances déclaratives étant liées entre elles par les experts, mais pas chez les novices (contre-temps, ostinato sont mal explicités). Des connaissances procédurales aussi, comme celle du canon, sont abordées, mais elles sont systématisées par l’expert, ponctuelles ou parcellaires pour les novices. Par contre, l’approfondissement de l’écoute à chaque nouvelle écoute est comparable dans tous les groupes, et les compositeurs ou des interprètes sont toujours évoqués, quel que soit l’approfondissement du back-ground culturel.

Les mots et idées débattus sur lesquels il y a accord ou désaccord sont aussi comparables, au-delà des différences de formation musicale ; ils sont aussi lieu de négociation, d’échange, et de formation partagée : l’apprentissage est là encore implicite pour les novices qui cependant, malgré leur noviciat, sont experts de leurs propres perceptions, et co-construisent leur progression capacitaire dans la situation proposée.

Bilan : Les apprentissages implicites lors de l’écoute passive de musique opèrent et sont repérables pour tous (Sloboda, 1985 ; Bigand, 2004) , et au final, des connaissances procédurales sont toujours mises en œuvre, simplement elles sont plus ou moins automatisées (Perruchet, 1988 ; Tricot, 2018). L’écoute peut cependant être différenciée : attentive, fluctuante, analytique (Leroy, 2003). Réception primaire vs réception secondaire : un capital différent et donc des attentes différentes (Bigand & Filipic, 2008 ; Genette, 1997).

Notons qu’il peut y avoir deux types d’experts : les uns en pratique musicale (le jazzman amateur), les autres en musicologie (l’amateur de jazz ou le critique).

L’enseignement explicite

L’enseignement explicite au service de l’analyse auditive en éducation musicale

Marie-Céline Huguet cherche des modalités adaptées pour l’analyse auditive en classe (cf. BO-EN n°11, du 26/11/2015, prescrivant production -la pratique,en tant qu’interprétation et création- et écoute, notamment l’écoute active, le tout étant en interrelation).

Les atouts de l’écoute active : compréhension, plaisir conceptuel, pratique, expression, processus inobservable.

Cela suppose que des consignes et contraintes soient données aux élèves pour comprendre, déceler, pratiquer la fugue, l’ostinato etc…

Quelles représentations les élèves ont-ils des caractéristiques musicales étudiées, et des consignes  ? Développent-ils les procédures visées  ?

Quelles pratiques pédagogiques peuvent favoriser « l’enseignement explicite » en éducation musicale  ? L’idée de « l’enseignement explicite » : aider les élèves, en verbalisant, à comprendre ce qu’on attend de lui et ce vers quoi il va, pour lever les incompréhensions.

Ce qu’il convient d’expliciter : le pourquoi, et le comment.

Cela une fois intégré, vient la manière de faire cette explicitation, et pour qui (y compris ce que l’enseignant doit expliciter pour lui-même (cf. Bisonette, Richar & Gauthier, RFP n°150, 2005, p. 97-141).

Les étapes proposées (et cela vaut aussi pour l’écoute musicale) :

  • Présentation de l’objectif d’apprentissage et des attentes
  • révision des pré-requis
  • modelage de l’apprentissage (outillage…)
  • pratique dirigée (questions + rétroaction, groupe, tutorat)
  • pratique autonome (supervision + correction)
  • évaluation et révision (efficace si quotidienne, peu efficace si hebdomadaire).

Si cela peut mettre en évidence l’hétérogénéité des publics élèves (différentiation forte des plus avancés en musique), il ressort aussi l’intérêt pour tous d’une articulation entre écoute et production permettant d’expliciter et d’exemplifier, cependant cette explicitation est chronophage, d’autant que le temps étiré entre chaque séances nuit aux consolidations, et il convient de tabler sur le temps long (parcours artistique et culturel durant la scolarité). Cf. la « boucle des apprentissages » (Tricot, 2008 ; Tricot, 2015).

Il importe alors de faire verbaliser à haute voix toute stratégie ou démarche est nécessaire à l’accomplissement de la tâche (Fuchs & Fuchs, 2001). Il en va de la mise en confiance des élèves.

Donner un vocabulaire commun, le faire intégrer (en tant que concepts et procédures : identifier tempo, introduction, coda, rondeau, AABA, etc.), permet aux élèves de mieux échanger entre eux et de mieux co-comprendre et co-apprendre, en tablant sur les allers-retours ou articulation pratique / théorie / écoute, et en permettant aux élèves de garder des traces de ces apprentissages, par exemple avec des cartes mentales, des traces récapitulatives élaborées par l’enseignant ou co-produites avec les élèves. Tout cela incite les élèves à s’approprier vocabulaire et notions, afin ensuite de distinguer des consignes particulières, des synonymes, des représentations mentales partagées… Tout cela est vérifiable par des rétro-actions (exercice bref, pratique, analyse…).

Repérer la forme est un exercice aisé à mener et à faire partager : s’il y a rondeau, coda, intro, AABA, canon, s’il y des caractères ou formes qui permettent d’analyser (tempo, rythme, genre ou style, caractère, origine géographique, changement de partie, « nuances »…) : il s’agit de construire des repères qui aideront à guider l’écoute. Tous ont appris à le faire depuis la 6ème, mais peu l’auront intégré : il s’agit de les aider à le construire pour se l’approprier en constituant une petite check-list qui les rendra autonomes dans une analyse musicale simple, sur ce qui s’apparente à une modalité d’enquête. La connaissance procédurale va devenir de plus en plus automatique jusqu’à cohabiter pour une écoute active dépassant l’approche uniquement sensorielle. Qu’est-ce que je pourrais bien aller chercher, repérer, pour comprendre  ? [photographie de la grille d’analyse en forme de schéma en étoile, qui est proposée]

Un écueil dans l’approfondissement : il s’agit de comprendre ce qu’on aura détecté, et non de détecter des indices dont on ne comprendrait pas ce qu’ils nous indiquent.

Et en tout cela, il convient pour bien le mener, de tenir compte aussi des pratiques autodidactes ds élèves (ceux qui chantent leurs tubs préférés, ceux qui grattent la guitare, ceux qui slament), qui peuvent apporter un vrai plus dans le partage de savoir et de savoir-faire.

Enfin, comme outil d’approfondissement à distance, on peut proposer un padlet ouvrant vers des œuvres à écouter et des éléments d’outillage qui y soient liés.

Haut de page ↑  
Secured By miniOrange