La référentialisation du PADC

par Gérard Figari, professeur à l’Université P. Mendès-France, Grenoble.


La référentialisation comme mode opératoire correspond d’abord à la volonté de référer l’organisation d’un projet éducatif et l’évaluation de ses effets à l’explicitation des enjeux et des données justifiant les choix envisagés. Elle désigne la mise en place des conditions et des structures ainsi que le choix des procédures.

Pour comprendre le processus de référentialisation, il semble utile de revenir sur quelques définitions (pour parler un vocabulaire commun).

1. Qu’appelons-nous à projet ?

  • Une conduite d’anticipation (cf. Boutinet) : projection, prévision, prospective.
  • Un concept à trois dimensions : concept empirique (une pratique quotidienne), concept théorique (une recherche de compréhension de la situation existentielle de l’homme et du devenir d’une société), concept opératoire (dans un contexte précis, un guide pour l’action)
  • Un objet à double face : processus et produit.

2- Qu’appelons-nous « projet d’établissement ? En termes « institutionnels », c’est la programmation d’activités « définissant les modalités particulières de la contribution [de l’établissement] à la mise en œuvre des missions de l’enseignement et de la formation professionnelle agricole' » (loi d’orientation). Sa fonction consiste à « donner un fondement stratégique’ aux actions ‘ et aux demandes d’évolution des structures pédagogiques’ : c’est un compromis entre la mise en œuvre des « orientations nationales » et les « choix diversifiés de modalités d’adaptation aux réalités locales » (circ. Oct. 2005). Toujours dans le même texte :  » le PE intègre un « projet pédagogique ».

En termes généraux, nous avons des questions à résoudre :

  • le PE est-il un « projet » ou plus simplement un « programme » ?
  • le « projet pédagogique » n’est-il qu’un « volet » du PE ? quelles sont ses marges de liberté ?
  • Quelles caractéristiques de la notion de « projet » sont-elles à sauvegarder ? La projection ? La prévision ? La prospective ? Autre chose ?

Dans tous les cas, le projet vise un objet spécifique : pour nous, ici, c’est un dispositif, c’est-à-dire une manière d’agencer les divers organes d’un appareil, d’une machine’ (par extension, le mécanisme, l’appareil lui-même). Un à dispositif éducatif à est une construction qui joue par elle-même un rôle éducatif.

Cherchons à modéliser un dispositif :

Il faut prendre en compte un ensemble de déterminations qui induisent des choix éducatifs justifiant la mise en place de tel ou tel dispositif. Cet ensemble recouvre des données d’environnement (facteurs économiques…) et des caractéristiques des acteurs (facteurs sociaux) entraînant (induisant) des diagnostics (échec scolaire, désintérêt pour la formation et les études…) et des recherches de solutions (moyens accrus, dispositifs de renforcement). Il s’agit donc d’expliciter ce qui relève de ce qu’on appellera l’induit.

Le dispositif doit aussi être caractérisé par les méthodologies utilisées et par le degré de compréhension et de participation des acteurs : le traitement serait-il à la fois indiscutable (les solutions paraissant automatiques et évidentes) et passif (seules des mesures organisationnelles et politiques étant nécessaires aux intéressés). Comment expliquer, accompagner et conduire l’élaboration des projets, des programmations, des curricula sans examiner la construction des dispositifs, en examinant les processus (représentations, comportements, évolutions) et les procédures (négociations, créations de situations, stratégies de pouvoir et de décision) qui définissent l’action éducative proprement dite. On l’appellera le construit.

Enfin, il nous reste à observer et interpréter les formes manifestes, et même volontairement données à voir, de ce dispositif ainsi que ses effets, c’est-à-dire sa production. On s’intéressera donc aux caractéristiques des projets finis et surtout à la manière avec laquelle les résultats et les effets sont établis, analysés et mis en valeur, c’est-à-dire au produit.

On remarquera qu’une préoccupation essentielle traverse ces trois niveaux de traitement : celle de l’évaluation. On la retrouve au premier niveau (induit) avec sa fonction diagnostique qui interprète des données situationnelles ; au second niveau (construit), avec sa fonction de régulation qui accompagne et corrige les processus d’élaboration ; au troisième niveau (produit), avec sa fonction sommative qui élargit la portée de l’action éducative à sa dimension de production de compétence et de reconnaissance sociale.

3- On voit la place centrale de l’évaluation : mais qu’appelons-nous évaluation ? Les innombrables conceptions de l’évaluation relèvent de trois grands paradigmes :

  • le paradigme objectif : l’évaluation part d’une mesure prise par un observateur (évaluateur, inspecteur, chercheur’). C’est une à évaluation externe à (cf. Cardinet).
  • le paradigme subjectif : évaluer, c’est accompagner un ensemble de processus sous contrôle du sujet (ou d’un ensemble de sujets). C’est une évaluation à interner.
  • le paradigme dialectique : L’évaluation est pratiquée par différents acteurs, elle est partagée et donne lieu à explications et à confrontations. C’est une évaluation à négociée é. C’est dans ce paradigme que nous nous inscrivons.

évaluer, c’est traiter de l’information. Or, le reproche le plus fréquent adressé aux évaluateurs porte justement sur le fait qu’ils sont amenés a choisir de manière arbitraire parmi les informations en nombre quasiment infini dont ils disposent (description détaillée de l’environnement, du système, des populations d’élèves ou de salariés, de maîtres ou de formateurs, de partenaires ou de parents, des moyens, des méthodes, des comportements, des phénomènes, des productions, etc.). Dans l’optique de l’évaluation des dispositifs, il s’agit essentiellement d’informations de contexte ; d’autres parleraient de besoins. Toujours est-il qu’on attendra ici d’un éventuel référentiel qu’il permette de fonder la désignation des informations qui feront l’objet d’une mesure et d’une évaluation.

4. Qu’appelons-nous référentiel ? Un catalogue d’objectifs, de normes prééablis ? Un instrument de description (ou de prescription) des dimensions d’un objet à concevoir et/ou à évaluer ? Un ensemble de référents choisis pour définir un objet (exemple du référentiel cartésien) ? Retrouvons le sens d’origine.

Au sens général, le référent est un élément à quoi quelque chose peut être rapporté, référé ; ou une information prise en référence pour expliquer une autre information. Dans le vocabulaire de l’évaluation, ce qui pose problème, c’est qu’il prend le sens d’un idéal à atteindre, qu’il a valeur de norme, de modèle à partir desquels on pourra porter un jugement de valeur.

 

Le référentiel, au sens général, renvoie d’abord à l’ensemble des axes par rapport auxquels on situe un point et qui permettent de définir les coordonnées de ce point (référentiel cartésien). Par extension, il désigne la combinaison des référents utilisés pour expliquer un phénomène, une situation, un résultat. Au sens commun, il renvoie donc à un système de références. On peut par ailleurs repérer plusieurs types de recours aux référentiels : soit ses fonctions sont fermées (valeur de guide, norme, contrôle, soit elles sont ouvertes (valeurs de description, conception, évaluation).

5. Critères et indicateurs.

Les critères sont des qualifiant exprimant l’appréciation de l’objet à évaluer et fondant le jugement . Ils sont indépendants de l’évaluateur et de la chose évaluée. Ils sont établis en rapport à des référents et s’exprime par des indicateurs (exemples de critères : conformité, efficacité, pertinence, congruence’). Les indicateurs sont des éléments observables constituant le signe, la trace de la présence d’un phénomène (appréciés à travers un critère), et permettant la mesure du niveau de ce phénomène (caractérisé par ce critère). Les indicateurs constituent donc les aspects concrets des critères (exemples d’indicateurs : Indicateur de conformité = équivalence des résultats et des normes / Indicateur d’efficacité = taux de réussite).

6. La référentialisation

La référentialisation est la construction, à propos d’un à objet à ( ici, d’un à dispositif), et après identification de ses acteurs et de ses référents, d’un ensemble de critères et d’indicateurs de conception et d’évaluation de ce dispositif. Il s’agit d’un processus évolutif à la différence d’un à référentiel à qui, lui, représentera une forme momentanément figée de la référentialisation.

La référentialisation se construit à partir d’un protocole qui cherchera à éclairer les différentes caractéristiques du dispositif pour en dégager les critères et indicateurs.

 

Le Dispositif Les référents (éléments pouvant conférer un sens au dispositif)

1-référents institutionnels (+sources)

2-référents du projet (+origine)

Insertion dans quelles actions ? Contexte et ressources Les critères

1 : de conception

2 : de réalisation

3 : d’évaluation

Les indicateurs
INDUIT

Tout ce qui « détermine » le PADC et induit, avant même son élaboration des activités et des effets

 … … …  … … …  … … …  … … …  … … …
CONSTRUIT

Tout ce qui relève de l’action: incitation, organisation, initiatives, actions’

 … … …  … … …  … … …  … … …  … … …
PRODUIT

Tout ce qui exploite, valorise, diffuse, constitue un « résultat »

 … … …  … … …  … … …  … … …  … … …

L’enjeu de la référentialisation est d’abord d’entrer dans le volet culturel en reconnaissant sa nature de dispositif : non pas un catalogue d’actions, mais, au sens premier, une « manière dont sont disposées, en vue d’un but précis, les pièces d’un appareil », autrement dit, pour le PADC, la manière de produire, d’agencer et d’évaluer les actions, dans un cadre de référents institutionnels, qui se conjuguent avec toute une série de référents locaux, qu’il s’agira de repérer.

Dans sa mise en œuvre, la référentialisation constitue donc un enjeu de mobilisation des acteurs et des usagers de l’école, qu’il convient de conduire avec méthode.

Dans l’enseignement agricole, un certain nombre de textes de cadrage constituent les référents institutionnels du volet culturel du projet d’établissement.

  • Pour ce qui relève de son champ d’action, le PADC s’inscrit dans le cadre des missions
    • de formation et d’éducation,
    • d’insertion scolaire, sociale et professionnelle,
    • d’animation & de développement des territoires
    • et de coopération internationale.

Enfin, le PADC se construit dans le cadre de l’éducation socioculturelle des jeunes, elle-même circonscrite dans le référentiel de l’ESC.

  • Pour ce qui relève de son processus d’élaboration, il se réfère à la circulaire de 2005 qui fixe les modalités d’élaboration d’un projet d’établissement, lequel n’est rien d’autre que le référentiel général de l’établissement.

Le PADC recouvre les trois domaines de l’éducation socioculturelle des élèves :

  • L’éducation artistique : pratiques artistiques (création / production), approche culturelle (culture / histoire), approche esthétique (critique / appréciation). A noter qu’elle s’inscrit non seulement dans les référentiels d’ESC mais aussi dans des textes de cadrage interministériels.
  • L’éducation à l’environnement social et culturel (culture & société, culture & territoires, diffusion de masse de la culture, éducation à l’image et aux médias),
  • L’éducation à la communication humaine, à l’autonomie, à l’animation : expression et communication, méthodologie du projet, animation professionnelle.

Son champ se définit donc à travers une pluralité d’objectifs qu’il s’agit de fédérer, afin de prendre en compte l’ensemble des domaines.

Entrent dans le périmètre du PADC toutes les actions éducatives

  • avec une dimension socioculturelle explicite,
  • qui s’inscrivent dans le cadre du référentiel d’E.S.C.,
  • mises en œuvre dans le cadre du temps scolaire ou parascolaire,
  • en lien éventuellement avec d’autres champs (coopération internationale ou développement durable par exemple),
  • qu’elles soient conduites ponctuellement ou tout au long de l’année (voire du cycle de formation),
  • qu’elles mobilisent ou non des moyens spécifiques.

C’est cet ensemble qui circonscrit le dispositif d’éducation socioculturelle.

Le PADC est l’instrument de pilotage de ce dispositif. C’est un document construit en concertation, négocié et validé, qui définit,

  • é partir d’un diagnostic,
  • les axes stratégiques / objectifs opérationnels du dispositif,
  • les plans d’action (et non les actions),
  • les critères et indicateurs (non pas de chaque action mais du dispositif).

Autrement dit, il s’agit d’un document de référence ( = un référentiel) pour la mise en œuvre des actions, qui contextualise les référents de la politique publique dans l’établissement et son environnement en mettant en évidence les plans d’actions prioritaires du dispositif : actions prioritaires signifie ici que le référentiel n’a pas vocation à cadrer tous les plans d’action, mais principalement ceux qu’on jugera prioritaires.

D’une part on construit collectivement des plans d’action, qui, à travers les critères et indicateurs, définissent la manière dont la mission éducative sera exercée, au nom de la responsabilité de l’école devant les jeunes qui en sont les usagers. D’autre part, les processus d’élaboration eux-mêmes sont l’occasion d’éprouver les valeurs qu’on affiche, à travers les modalités mises en place, à travers la « démarche participative » du projet d’établissement, ou à travers des instruments qui permettront une « évaluation partagée ».

En bref, si le PADC permet de valider la pertinence et l’utilité sociale du dispositif local d’éducation socioculturelle, la référentialisation est le véritable levier de la mobilisation et de la construction collective.


En lien avec le travail conduit avec des professeurs d’éducation socioculturelle, est joint à cet article une trame possible pour mettre en œuvre la référentialisation du PADC : le document est en version excel, pour pouvoir l’adapter et la remplir, et il contient déjà un certain nombre de pistes pour conduire la réflexion.

 

 

 

 

 

 

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